Il n’existe pas une seule manière de définir et de concevoir la gouvernance, mais ce terme renvoi de manière générale à un ensemble de règles, écrites ou non écrites, qui régissent les manières de diriger un groupe. La gouvernance comprend trois aspects essentiels : RELATIONNEL, INDIVIDUEL, et COLLECTIF.
La gouvernance c'est d'abord RELATIONNEL
« Ce jour-là, dans le Monde-Mer, un fracas terrible se fit entendre : foudre et flammes animèrent le ciel […]. Deux Oies qui passaient par là virent un trou s’ouvrir dans le plafond du monde et assistèrent à la chute de l’arbre et de la femme. L’une d’elle s’exclama : Quelle étrange créature descend du Ciel! Je suis certaine qu’elle ne pourra survivre dans l’eau! Nageons ensemble et attrapons-là sur notre dos! […] Les Oies partirent donc à la recherche de Grande Tortue. Elles le trouvèrent non loin, occupé à naviguer à la surface des eaux. Elles eurent tôt fait de lui montrer la femme et de tout lui raconter sur les circonstances de sa découverte. Grande Tortue ne perdit pas de temps et convoqua aussitôt tous les Animaux pour la tenue d’un Conseil. »
L’aspect relationnel de la gouvernance se rapporte à la façon dont les membres d’une communauté décident ensemble ce qui est indispensable pour son bien-être et pour son avenir, mais aussi pour maintenir des relations saines entre tous les membres de la communauté où chacun a un rôle important à jouer. Le conte nous démontre que c’est grâce à des relations que nous sommes en mesure de gouverner : la Grande Tortue sait qu’elle doit convoquer le Conseil des Animaux puisque cette décision importe à tous les membres du Conseil. La gouvernance est relationnelle puisque toutes les décisions que nous prenons doivent être prises en relation aux gens et à l’environnement qui nous entourent.
Ces relations sont très importantes dans les communautés autochtones, comme nous l’expliquait une femme aînée :
« Mon mari était conseiller… Il travaille dans le monde du développement économique, du développement des ressources pour notre région. Et moi, je supporte la vie, je suis assistante sociale, je soutiens la vie de la famille… Et je lui ai dit : je vais te dire mon travail et ma vérité et où on peut partager ensemble, tu sais, et respecter le rôle de l’autre... J’ai adoré ce mot quand il est venu : socio-économique. Vous voyez, nous ne pouvons jamais être séparés. Quelqu’un a trouvé comment concilier le social et l’économique. Nous ne sommes jamais séparés et donc je lui ai dit : tu dois nous aider en tant que développeur. »
Pour construire des relations saines, il faut d’abord se construire sur le plan INDIVIDUEL
« Les Oies déposèrent Yäa’taenhtsihk sur le dos de Grande Tortue. La jeune femme prit la boue de Dame Crapaud entre ses mains. Il y en avait peu et les Animaux craignirent que ce ne soit trop peu. Lentement, Yäa’taenhtsihk se mit à l’étendre sur le pourtour de la carapace. Bientôt, la terre s’anima d’elle-même et se répandit autour de la jeune femme, partout sur la carapace et au-delà. Elle se multiplia et se multiplia jusqu’à ce qu’elle forme une île. Une île énorme, aussi grande qu’un continent. Notre monde : l’île de la Grande Tortue. »
La gouvernance au niveau individuel, c’est le droit de se définir en tant qu’individu, c’est-à-dire de déterminer qui on est en tant que personne et ce qu’on souhaite faire pour l’avenir. Tout comme Yäa’taenhtsihk qui utilise la boue de Dame crapaud, la gouvernance individuelle implique aussi d’avoir tous les outils et les ressources dont on a besoin pour pouvoir se construire et se développer en tant qu’individu.
Comme une femme leader le mentionnait :
« [L]’autodétermination, ça peut prendre différentes formes. Ça commence par soi. De savoir qui on est, d’où on vient, d’être fier, de connaître sa culture, d’être fier de son identité. Bien à partir de là, je pense qu’il n’y a pas de limites à pouvoir définir qu’est-ce que ça veut dire l’autodétermination, notre gouvernance. »
La gouvernance, c’est aussi COLLECTIF
“The Council of Animals had saved the woman who had fallen from the Sky from drowning. They had offered her the island of the Great Turtle so that she could live and flourish here on earth. However, the Animals soon realized that the woman was missing an essential element for her well-being: light. Great Turtle therefore convened the Council to find a solution to this new problem.”
La gouvernance c’est la manière dont les membres d’une communauté, d’une nation, d’un groupe ou d’une organisation choisissent de s’organiser collectivement pour gérer leurs propres affaires, pour partager le pouvoir et les responsabilités puis pour décider eux-mêmes du type de société qu’ils souhaitent bâtir pour leur avenir. Dans le conte, la gouvernance est partagée collectivement entre tous les membres du Conseil des Animaux. Les Animaux se réunissent pour prendre des décisions puisqu’ils savent que c’est en groupe qu’ils auront plus d’outils pour trouver des solutions qui répondront aux besoins de toutes et tous.
Une femme aînée racontait également l’importance de partager collectivement le pouvoir au sein de la gouvernance :
« Avez-vous déjà vu un groupe d’oies voler? Certaines d’entre elles volent en forme de V... Quand elles volent comme ça, elles doivent voler parfois très loin. Et lorsque le chef de ce groupe se fatigue, il recule, et un nouveau chef prend sa place. Et les anciens nous ont dit : ça s’appelle le leadership partagé et c’est ce qui guidait ce groupe d’oies. Elles connaissaient ça et elles devaient respecter ça, ce nouveau chef qui allait les guider… »
La gouvernance amène en fait les membres d’une communauté à mettre en place des processus, des structures et des règles selon différents modèles (traditionnel, coutumier, provincial, fédéral) afin de pouvoir :
La gouvernance donne donc à une collectivité la marche à suivre et les moyens de réaliser les choses qui comptent pour elle. Cette gouvernance doit cependant être définie par les membres de la communauté et non pas imposée par une autorité extérieure, comme nous le proposait une femme leader :
« [La gouvernance] devrait être basé[e] sur les connaissances et les expériences de la communauté. Pour moi, c’est de là que ça devrait venir. Parce que, vous savez, l’approche descendante n’a jamais fonctionné… Donc pour moi, ça doit venir de la base. La communauté se développe à partir des groupes… c’est ce que nous sommes et vous devez accepter cela et faire avec et vous ne pouvez pas dire que c’est mal, car cela doit être développé et dirigé par la communauté. »
On parle aussi de « bonne » gouvernance, lorsque cette gouvernance est légitime et efficace. Pour les communautés autochtones, les éléments suivants sont nécessaires pour avoir une :
qui comprend des règles visant à garantir que les institutions et ceux et celles qui prennent les décisions sont responsables devant la communauté qu’ils servent (par exemple, élus démocratiquement ou autrement)
qui garantit que les décisions sont examinées par une ou plusieurs institutions indépendantes et que les décisions administratives peuvent faire l’objet d’un recours;
qui assure la disponibilité des ressources humaines pour mettre en œuvre les processus de gouvernance et fournir des programmes et des services;
qui comprend les systèmes de gestion des ressources de la communauté ou de la Nation (à la fois fonciers et financiers).
Aujourd’hui, les Conseils de bande font face à de nombreux défis pour assurer une bonne gouvernance de leur communauté. C’est ce que nous expliquait une femme leader :
« Donc [les conseils de bandes] ce sont des organisations qui ont commencé comme des entreprises familiales, même que c’était dans la maison du chef et les deux conseillers s’étaient ses frères… Il n’y a pas de référence, il n’y a pas de normes, on ne peut pas les orienter, ils ne savent pas, ils n’ont pas de manuel pour l’orientation des employés ou quoi que ce soit… C’est comme si on demandait un conseil municipal d’administrer tous les programmes d’une municipalité ou aux politiciens à Québec d’administrer tous les programmes du gouvernement. Ils sont à la fois au niveau politique et au niveau administratif. »
À TOI
Maintenant que tu en sais plus sur la gouvernance, prends le temps de réfléchir à une occasion où tu as été appelée à prendre une décision importante dans ta vie professionnelle ou personnelle. Pense aux différentes sphères de la gouvernance :
Afin de t’approprier le concept de « bonne » gouvernance, imagine que tu fais partie d’un organisme autochtone de ton choix et réponds aux questions suivantes avec cet organisme en tête :
Quels mécanismes ou mesures utiliserais-tu pour assurer que ton organisme soit redevable et transparent envers la communauté?
Est-ce que les gens peuvent porter plainte lorsque ton organisme ne fait pas bien les choses? De quelle manière?
Est-ce que l’organisme embauche des personnes autochtones? Est-ce que des services et des programmes sont disponibles et accessibles pour les communautés autochtones? Quel genre de services et programmes?
Comment les ressources sont-elles gérées? Sont-elles redistribuées à la communauté? Comment (où va l’argent)?
Enfin, penses-tu que le conseil de bande de ta communauté respecte tous les principes de la bonne gouvernance? En utilisant des solutions auxquelles tu as réfléchi dans l’exercice précédent, y a-t-il une solution que tu pourrais essayer de mettre en place dans ta propre communauté?